Benjamin Alard : Bach invariablement

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Reconnaître quelqu’un de passionné et qui maîtrise son sujet est assez simple : il suffit de poser des questions et d’écouter la réponse. Avec Benjamin Alard, claveciniste et organiste, une question m’a suffi pour savoir que j’étais face à un professionnel et un passionné de musique. Comme pour beaucoup de musiciens l’histoire d’amour entre le jeune homme et les instruments a commencé très tôt.

Il n’a pas 7 ans quand il découvre et joue du piano pour la première. Il commence peu de temps après à jouer de l’orgue dont le son le « fascinait » et apprend également le clavecin poussé, entre autres, par la musique de Bach. Deux instruments dont ils ne se séparent plus, sans parler d’un compositeur qui est progressivement devenu central dans sa vie. « Les souvenirs les plus anciens que j’ai de Bach c’est d’en avoir joué un peu au piano, en jouant les pièces pour débutants. Mais ce qui m’a marqué étant très jeune c’est tout d’abord le disque d’un concerto pour clavecin de Bach qui était des transcriptions de concerto pour violon faites par Bach lui-même et enregistrées par Pierre Hantaï que j’ai vraiment beaucoup écouté, mais également des concerts très marquants, comme Gustav Léonard dans des festivals ».

Cet intérêt pour Bach s’amplifie progressivement. Un peu plus âgé, il cherche à tout prix à obtenir une partition du compositeur en appelant un magasin à Rouen, la ville la plus proche de son village natal en Normandie. Quand le magasin lui envoie le mauvais morceaux, il appelle et s’énerve alors fortement contre la vendeuse, la harcelant pour qu’elle lui envoie la bonne partition.

Aujourd’hui, les partitions ne sont plus un problème et son amour pour le compositeur est bien présent. Benjamin Alard est devenu une référence et s’attaque d’ailleurs aux œuvres les plus complexes. Ce soir, il joue les fameuses Variations Goldberg qu’il estime maîtriser véritablement seulement depuis deux ans. La première fois qu’on lui propose de les jouer, il a pourtant 19 ans. Intimidé, il refuse dans un premier temps de s’y essayer avant de finalement accepter. Cependant, il arrête très vite de les jouer pour passer à autre chose. Quand il se replonge dans les partitions plusieurs années après, il explique redécouvrir le morceau notamment grâce au par cœur qui lui permet de se détacher des autres interprétations et de mieux s’approprier l’œuvre.

Pour autant, malgré les années, (cela fait maintenant treize ans qu’il l’a joué pour la première fois) le morceau lui réserve encore des surprises. « Le caractère très varié de l’œuvre et des canons qui sont parfois poussés très loin est fascinant. Même pour un musicien comme moi qui travaille très souvent l’œuvre je suis encore parfois surpris par sa complexité. La découverte de l’œuvre est, je pense infinie ». Ce qui ne change par contre jamais est la difficulté de jouer un tel monument : « Je suis heureux de commencer au début et d’arriver à la fin puisque le morceau est particulièrement difficile, il faut beaucoup de concentration et ne pas se perdre dans les canons surtout quand on joue par cœur comme c’est mon cas ». Autre élément immuable : il faut écouter le morceau encore et encore. Pour Benjamin Alard, un tel morceau ne se comprend et ne devient intéressant qu’après de nombreuses écoutes. Une activité qui est, de son opinion, loin d’être un fardeau puisqu’un tel morceau : « On ne s’en lasse jamais ».

Eléonore Terville