Stephan MacLeod : « Meilleure est la technique, plus il y a de chance de chanter tard »

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Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Stephan MacLeod. Je suis chanteur et chef d’orchestre. J’ai 46 ans et je viens à Saintes depuis 23 ans.

Comment et quand avez-vous commencé à faire de la musique ? Pourquoi avez-vous choisi le chant ?

J’ai commencé la musique très tôt puisque ma mère était chanteuse. J’ai voulu jouer du violon à 3 ans, instrument que j’ai raté à 15 ans. J’ai commencé le piano à 8 ou 9 ans, c’était mon truc, je voulais faire du piano. À 18 ans, je passais ma maturité (Bac en France) et travaillais en parallèle mon diplôme de piano lorsque je me suis bloqué le dos. J’ai donc dû arrêter de jouer pendant 6 mois. Durant cette période, j’accompagnais beaucoup de chanteurs et je me suis mis à chanter. J’ai très vite bifurqué sur le chant, car j’ai vite compris qu’avec le chant, je pourrais gagner plus facilement ma vie qu’avec le piano. J’avais également envie d’être indépendant.

Vous avez passé plusieurs années au conservatoire de Genève a étudier le violon et le piano. 

J’ai fait un an et demi de chant avec ma mère qui était professeur au Conservatoire à Genève. J’ai ensuite fait une année de perfectionnement et je suis parti l’année suivante en Allemagne pour faire mes études : j’avais 19 ans.

Que vous ont apporté ces années en Allemagne ?

Beaucoup de choses. La première chose, c’est l’allemand. Je suis également parti en Allemagne, car je voulais faire de la musique romantique (Schumann et Brahms). Je pense que c’est quelque chose dont je profite tous les jours. Par exemple, avec Bach, savoir l’allemand, cela m’apporte beaucoup. J’ai rencontré de très bons musiciens. Ce sont de bonnes années.

Le terme de baryton peut être « barbare » pour certains novices. Pouvez-vous nous expliquer qu’est-ce qu’un baryton ?

Moi, je ne suis pas vraiment baryton. Chez les hommes, il y a des voix de contre-ténors qui chantent en falcetto, en voix de tête ou des parties d’alto. Il y a des ténors et des basses. Moi, je suis entre les deux. À partir du XVIIIe siècle, on développe une tessiture entre les deux : une tessiture baryton. J’ai la tessiture d’une basse, mais la couleur un peu plus claire, un peu plus légère.

Quelles différences y-a t’il entre un baryton basse, un baryton léger, un baryton dramatique ?

Généralement, on utilise le terme dramatique pour une voix qui est plus ample, qui va plus être indiquée pour faire de l’opéra et pour tenir tête à un gros orchestre. Un baryton ou un soprano dramatique sont les voix les plus puissantes. Dans la musique allemande, il y a des basses, des ténors, des altos et des sopranos et on ne parle pas vraiment de baryton. Dès qu’on fait de l’oratorio ou de la musique baroque, on trouve des basses et des ténors. Il n’y a pas de parties de baryton.

Néanmoins, certaines parties célèbres de baryton existent dans l’oratorio comme Eliasse, Paulus et les oratorios de Mendelssohn qui sont chantés exclusivement par des barytons. Au début du XIXe siècle, les basses qui vont devenir généralement les pères, la figure de l’autorité. Les barytons et les ténors vont quant à eux, devenir les héros à l’Opéra.

Votre tessiture de voix est amenée à changer. Pensez-vous à un « après » baryton ?

Non. Au contraire, plus la voix est grave, plus elle met du temps à s’installer. La voix change beaucoup avec l’âge, elle gagne en épaisseur, en rondeur, en maturité. Je pense que tous les chanteurs évoluent avec leurs carrières. Cela ne dépend que de la musique qu’on chante et de la manière dont on la chante. Meilleure est la technique, plus il a de chance de chanter tard.

Vous possédez également un répertoire très varié qui s’étend sur plusieurs siècles. Comment pourriez-vous qualifier votre répertoire et votre style de musique en général ?

Moi, j’utilise le mot éclectique. Je m’entoure généralement de musiciens éclectiques. Plus on fait de répertoires différents, plus on ouvre une palette et plus on a de possibilités de composer. Tout ce qu’on fait est inscrit dans une histoire et c’est important d’avoir plusieurs points de vue, d’avoir plusieurs perspectives et je trouve que plus les musiciens sont riches de perspectives, plus ils ont de choses à dire.

Qu’est ce que vous aimez particulièrement chez Bach ?

Bach est tout le temps génial. C’est tout le temps parfait, même quand ce n’est qu’une esquisse, c’est déjà des kilomètres au-dessus de tout le reste. C’est une musique qui est constamment géniale, c’est tout le temps stimulant. On a énormément de plaisir à faire du Bach.

Quelles sont vos autres sources d’inspiration ?

Le sport. Je suis très impressionné par les sportifs de haut niveau puisqu’on apprend beaucoup de leurs capacités à gérer le stress, la pression, le public. Dans le fond nous faisons quelque chose qui est assez proche du sport : on doit répéter les gestes, on doit essayer de les faire le mieux possible et évidemment plus on a peur, plus l’enjeu est important et plus c’est difficile. Je pense qu’il y a un lien évident entre l’apprentissage et l’acquisition d’une technique qu’on essaye de perfectionner pour réussir à être un niveau minimum requis. C’est un métier très compétitif où les attentes sont très fortes. C’est un peu comme un sportif : s’il est mauvais, il perd.

Vous avez collaboré avec le chef d’orchestre Philippe Herreweghe. Que retenez-vous de cette expérience ?

Énormément de choses. Comme beaucoup de musiciens de ma génération qui ont eu la chance de travailler avec lui : c’est une sorte de guide. C’est quelqu’un qui a beaucoup d’influence dans notre manière de travailler la musique, de la partager. L’une des choses les plus importantes avec Philippe, c’est la place du texte. Il a inventé de nouveaux standards, de nouveaux degrés d’exigence par rapport au texte. C’est une référence pour nous.

Que pensez-vous de William Chritie ?

Beaucoup de bien. Je n’ai jamais travaillé avec lui, je n’ai jamais eu cette chance. C’est quelqu’un qui a fait un travail de défrichage et de débroussaillage dans la musique baroque française dont les musiciens du monde entier profitent aujourd’hui. Il a remis énormément d’œuvres et de compositeurs sur la table. C’est une référence très importante.

La musique baroque est-elle populaire en Suisse ?

Moins qu’en France. À Bâle, nous avons probablement la meilleure école de musique ancienne du monde. C’est l’école où un nombre incroyable d’ensembles importants se sont formés. Amandine Beyer est passée par Bâle. La musique baroque à Bâle a donc une place très importante.

Si vous deviez choisir un compositeur suisse, lequel ?

Il y en a plusieurs. À Genève, il y a un compositeur du XXe siècle qui s’appelle Franck Martin qui a écrit les oratorios et des pièces vocales somptueuses, mais très dures.

Enfin, avez-vous des projets musicaux à venir ?

Oui, nous allons faire un concert cette semaine à Barcelone puis nous partons au Canada. J’ai un agenda très chargé cet été entre concerts et enseignements.

Propos recueillis par Inès Tourdot