Etienne Galletier : « dans le théorbe, il y a une grande liberté d’instrumentation »

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L’ensemble « Les Surprises », dirigé par Louis-Noël Bestion de Camboulas a ressuscité Issé au Festival, pastorale héroïque d’André Cardinal Destouches, opéra écrit en 1697. Parmi les Surprises, Etienne Galletier, un théorbiste, membre de l’ensemble depuis sa création.

Comment avez-vous découvert le théorbe ?

J’ai fait beaucoup de guitare classique, et quand on fait de la musique classique, il y a tout une grosse partie du répertoire qui est un ensemble de transcriptions de musique ancienne et du coup, c’est un intérêt qui se fait petit à petit et c’est par la musique en tant que telle que l’on cherche l’opportunité de se pencher sur les instruments qui étaient vraiment utilisés à l’époque.

Qu’est-ce qui vous attire dans le théorbe ?

Le théorbe c’est vraiment un instrument qui a été conçu pour accompagner, c’est vraiment un instrument d’accompagnement. Cela me convient bien parce que j’aime bien jouer des pièces en soliste régulièrement, mais cela colle plus à ma personnalité musicale d’être dans la position d’accompagnateur. Le théorbe est un instrument très particulier, c’est le fruit de l’évolution du luth qui, petit à petit, donne une espèce de résultat un peu biscornu. Il a d’ailleurs disparu au cours du 18e siècle. C’est un instrument qui a des propriétés acoustiques assez particulières et comme toujours, ce sont les contraintes qui font avancer et qui sont très intéressantes, car elles nous obligent à chercher des solutions et des couleurs. C’est également un instrument de basse continue et, comparée à la guitare classique, le théorbe a vraiment un rapport à la musique complètement différent parce qu’il y a toute une part d’improvisation. Il y a une grande liberté d’instrumentation, à chaque fois il faut adapter, improviser ce qu’on fait pour créer un son, pour s’adapter vraiment aux sons qu’on a autour de nous. C’est un instrument qui ouvre un répertoire énorme. Comme c’est un instrument de basse continue, il peut se jouer dans des opéras énormes comme en musique de chambre, et c’est ce qui me plaît beaucoup parce c’est une sorte de porte sur énormément de musiques.

Connaissez-vous le prix d’un théorbe ?

Contrairement aux guitares qui peuvent être fabriquées en usines, pour l’instant je ne connais pas de théorbes fabriqués en usine donc c’est forcément fait par un luthier. Cela nécessite du temps, ça reste un travail artisanal donc c’est forcément plus cher. Il y a des théorbes d’études qui commencent peut-être un peu moins chers mais je dirais que ce serait d’un minimum de 2000 et puis ça peut aller jusqu’à 10000 euros.

Comment pourriez-vous décrire cet instrument ?

C’est un instrument qui vient vraiment du luth et le luth est relativement proche de la guitare dans la manière dont s’est accordé. On peut donc dire qu’on part de cet accord là, on rajoute des cordes graves et petit à petit, on cherche tellement à développer ce registre grave qu’on fait un compromis, c’est-à-dire qu’on ajoute une sorte de deuxième manche sur lequel on met des cordes à vide. On rajoute des graves, encore et encore, sur lesquelles la main gauche ne joue pas dessus, on ne les joue qu’en corde à vide et ça donne une sorte de gamme, comme les touches blanches de piano, une gamme diatonique. Le compromis est que l’on veut tellement rajouter des graves que l’on baisse les deux premières cordes aiguës pour équilibrer l’attention générale de l’instrument et du coup ça donne une deuxième particularité dans les aigus : les cordes ne sont pas dans l’ordre et sont finalement assez proches les unes des autres, dans les hauteurs de son, ce qui finalement pousse l’instrument vers la harpe.

Jouez-vous d’un autre instrument avant de vous lancer dans le théorbe ?

J’ai fait beaucoup de guitare classique, j’ai fait 6 ans de clarinette, j’ai chanté dans des chœurs, des chorales, mais, dans le parcours musical, c’est plus le genre de musique qui est au moins tout aussi intéressant que la variété, plus ou moins grande, d’instruments que l’on peut jouer.

Quelle est votre référence en termes de luthiste ?

Le luthiste que j’admire le plus est un monsieur qui s’appelle Paul O’Dette, qui fait beaucoup de luth renaissance. Je ne dirais pas que c’est ma référence, dans le sens où on se nourrit de plein de choses, et j’ai l’impression que, l’une des particularités de cet instrument c’est que, comme c’est un instrument d’accompagnement et que c’est une porte ouverte sur beaucoup de variétés, d’instrumentation, de sons, etc, j’ai l’impression de me nourrir bien plus d’un claveciniste avec lequel je vais jouer ce soir, par exemple, que forcément d’un d’un luthiste, d’un théorbiste.

Depuis combien de temps faites-vous partit de l’ensemble « Les surprises » ?

Depuis le début. C’est un ensemble d’amis qu’on a constitué au conservatoire de Lyon, il y a environ 10 ans. On s’appelait « Les Philanthropes » et maintenant, c’est un peu la première fois que l’on joue sous l’étiquette « Les Surprises ».

Tilan Guillon