Barockisssimo : costumes en scène à l’Abbaye

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Du 1er juin au 3 septembre, l’Abbaye aux Dames propose de découvrir une sélection de costumes de l’immense collection des Arts Florissants. Fondée en 1979 par le compositeur américain William Christie, sa visée était de redécouvrir les traditions du genre baroque tout en explorant des angles originaux. Cette collection de costumes retrace près de 40 ans de concerts et spectacle et montre l’immense diversité dans l’opéra baroque.

En entrant par la porte Renaissance après un passage par le cloître, nous sommes projetés dans un univers atemporel où couleurs fantaisies et formes fantastiques s’entremêlent. Ainsi le visiteur émerveillé aura le plaisir de découvrir les créations atypiques d’Alain Blanchot, costumier des productions des Arts Florissants. À l’aide de la visite audio et des textes informatifs, le monde du baroque s’ouvre à tous les âges.

Les mannequins, comme figés dans le temps lors d’un instant de danse, nous invitent au spectacle, parés de leur plus somptueuses tenues. Les différents styles s’y côtoient : nous sommes d’abord confrontés avec les costumes du drame musical « Il Sant’Alessio » (Saint Alexis), offrant des tissus aux tons chauds ornés de dorure. L’excentricité des habits, plus provocants les uns que les autres, démontre une réelle inventivité des costumiers et renvoie aux côtés extravagants et oniriques de l’univers baroque.

Viennent ensuite les costumes de Daphnis et Eglé, célèbre ballet de Rameau, qui a été représenté lors de la production Rameau, maître à danser. Ceux-ci nous emmènent vers un monde plus jovial et léger, entre motifs fleuris et couleurs pastel. L’exposition voit le jour grâce aux deux commissaires Catherine Massip, musicologue spécialisée dans la musique baroque, et Martine Kahane, spécialisée dans les costumes de scène. Faisant un réel travail de recherche sur l’ensemble des productions scéniques faites par les Arts Florissants, les deux femmes sont allées à la recherche de tous les costumes encore présents dans divers théâtres, musées ou institutions.

Au terme de la recherche, la première exposition de la collection voit le jour au Centre National du Costume de Scène à Moulins. Près de 164 costumes y ont été mis en lumière, dans une exposition en grande dimension où la collection retrouve toute sa splendeur. Martine Kahane, une des commissaires de l’exposition, nous raconte leur tentative de rassembler en une seule exposition les costumes des productions qui représentaient cette période baroque, depuis les premiers opéras de Monteverdi jusqu’aux derniers opéras de Rameau. En effet, le costume de scène devient un moyen de retracer une véritable petite histoire de la musique baroque. Dans l’exposition Barockissimo de la salle Capitulaire à Saintes, les costumes de deux productions différentes nous sont offertes à voir. Le premier opéra, Sant’alessio, traite d’un sujet religieux, et le costumier, Alain Blanchot, a tiré son inspiration du costume religieux de l’époque, avec toute sa pompe, sa dorure, sa richesse, ses couleurs, tout en le décalant un petit peu vers la fable.

La deuxième production, Rameau, maître à danser, se situe à l’extrémité de cette époque de la musique baroque, Rameau étant un des derniers compositeurs baroques. Le contexte historique sous Louis XV se retrouve dans les habits de scène, les costumes pourraient facilement se fondre dans les tableaux de fêtes galantes de Watteau. En demandant à Martine Kahane si ces costumes s’ancraient donc vraiment dans l’époque baroque, ou s’il y avait davantage une visée onirique, elle nous explique qu’il y a bien sûr toujours « une part de fantaisie, d’autant plus que l’opéra baroque reste très fantastique ».

L’opéra baroque dévoile une grande diversité de sujets d’intrigue, prenant ses racines et inspirations autant dans les fables que dans les contes fantastiques, s’ancrant bien souvent dans un contexte historique ou une époque particulière. On y rencontre des fées, des magiciens, tout un éventail de personnages mythiques ou fabuleux. « Donc, nous dit Martine Kahane, il faut aller d’un bout à l’autre de l’échelle pour représenter ces périodes, mais les costumiers souvent les décalent. C’est pour ça qu’il n’est pas anodin de retrouver également des costumes modernes. » L’univers baroque, comme il nous est présenté dans cette exposition, devient rapidement de tous les temps transposable à notre monde d’aujourd’hui… tout en restant une fenêtre sur une utopie d’un autre univers. Le catalogue de l’exposition est disponible à la boutique de l’Abbaye et documente la totalité de la collection avec des photographies et textes explicatifs, ainsi que des témoignages intéressants de metteurs en scène et costumiers.

Margaux Malé, Lauren Easum