Cinquantième Festival de Saintes : souvenirs d’un ancien bénévole #2

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Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, nous sommes en 1973, il y a tout juste 50 ans. Juillet exactement et je viens de décrocher le baccalauréat. Pour ce succès, je peux ouvrir les portes d’un monde inconnu, celui du monde de la Musique. Je ne connais personne au départ. Ici, pas d’internet, cela n’existe pas. Des affiches montrant un tableau de Jérôme Bosch annoncent le festival. Mon premier morceau musical est du Blue Grass à l’hôtel de
Brémond d’Ars. Dans la cour que j’admire, elle est du XVIIe siècle, s’égrènent les premières notes. Je prends conscience du patrimoine de la ville, de son passé en même temps. L’hôtel situé dans les rues médiévales est magnifique, l’occasion de faire des recherches sur la famille d’Ars.
Le lendemain soir, le concert a lieu en l’église basse de Saint-Eutrope, sous des voûtes du XIe siècle, résonnent en harmonie les notes de la musique anglaise. Je suis aux anges.
Le lendemain, dimanche c’est la journée à la Roche Courbon, pique-nique, journée familiale, musique. Mes parents m’y emmènent de bonne heure. Crise de dents, le nerf se rebelle, je souffre à me mettre à plat ventre dans l’herbe. Impossible de passer une journée dans ces conditions. Quelqu’un a «pitié» de mon état, me propose de rentrer à la maison. Ce qui est fait, un quart d’heure après. J’habite dans une rue où exerce mon dentiste. Je sonne chez lui en dernier recours, miracle, il est là et me fait rentrer. Il m’examine et me fait une piqure dans le nerf de la dent. Aussitôt, la douleur se calme, je redescends quelques centaines de mètres, mes parents sont surpris, j’explique, ils me ramènent à la Roche Courbon. Là, je passe devant ceux qui ont pris soin de moi quelques minutes auparavant, ils ne me croient pas, je dois ouvrir la bouche. Bref, ils laissent tomber avec un gros doute. O miracle, les concerts n’ont pas commencé et je peux tranquillement suivre la journée musicale. Je découvre les instruments anciens, les cornets à bouquins, la sacqueboute, le cromorne, l’orgue d’Yves Sévère. C’est un autre univers que j’adore et que je vais découvrir au fil des années.
Je ne peux raconter tout mon parcours, cette année-là, grâce à Alain Pacquier, son équipe, les musiciens, mes passions profondes ont été éveillées. C’est une rencontre que je n’oublierai jamais, cela m’a ouvert un horizon, des portes, des joies, des rencontres, des amitiés, un métier (plus tard guide de la Caisse Nationale des Monuments Historiques),…
Les festivals qui m’ont le plus marqué sont aussi ceux de 1976, les sorties en pays Roman. L’une d’elles avec des musiciens qui avaient un ancien corbillard comme véhicule, la R 8 verte de William Christie qui venait de terminer ses études, le concert de guitare le soir à la bougie en Aunis, le Waya wong de Telepud de Bali à la Roche Courbon : magnifique, fantastique même si ce sont des mots, ici ils ne sont pas vides de sens…, la venue du Collège de Lausanne avec Jacques Pache, un brun de fraîcheur…

Il y aurait beaucoup à dire, l’aménagement de l’intérieur de l’Abbaye en église «anglicane» avec les sièges les uns en face de l’allée et les Even songs à 16 h par les élèves du Collège d’Oxford sous la direction d’Edouard Higginbottom… En 1976, j’ai eu la chance de découvrir les Vêpres de Monteverdi jouées par le même ensemble, tous assis sur un tapis, les chœurs en 4 groupes répartis autour de nous, c’est une grande émotion de vivre et de ressentir cette œuvre splendide de la Renaissance.

Je conclus sur une dernière anecdote, en 1978, je fais mon Service Militaire à Sourdun chez les Hussards, c’est sérieux. Mais, le matin à 7 h, à l’époque, les programmes de France Musique commencent par la Marseillaise. Donc, dans la chambrée, j’ouvre le poste de radio et le réveil est conforme finalement à l’Institution. Le Festival est couvert par France Musique par Jacques Merlet, Jean Michel Damian et j’ai cette chance de partager de bons moments musicaux avec des gens que je connais.

Une nouvelle page s’écrit, et je l’espère naturellement belle, ses auteurs mettront aussi toute leur énergie et bonne volonté pour le faire. La Musique n’a pas de limites et sait bercer ceux qui l’aiment.

Richard MARRAUD