Jean-Michel Couturier, luthier numérique

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Cette année, le Carrousel a bousculé les habitués du Festival de Saintes. Ce manège musical et atypique est une première mondiale. Cet instrumentarium géant inauguré en avril 2018 à l’Abbaye aux Dames offre aux visiteurs l’occasion de créer une oeuvre collective sur des instruments numériques : claviers, archets, soufflets, percussions, accordéons, harpes, cordes vocales… Jean-Michel Couturier, un des maîtres d’oeuvre de l’ouvrage, se présente comme « luthier numérique » et bouleverse les fans de classique grâce aux nouvelles technologies qu’il utilise.

Jean-Michel Couturier, cofondateur de la société Blue Yeti a accepté de répondre à nos questions :

Quel est votre métier exactement ?

Je suis développeur et je me qualifierais de luthier numérique(créateur et fabriquant instruments numériques)

Etes-vous musicien ?

Je suis compositeur de musique électroacoustique mais ce n’est pas mon métier principal.

Pouvez-vous présenter votre travail sur le carrousel et sa spécificité ?

Je crée des instruments pour faire jouer des personnes qui ne sont pas musiciens et je leur propose une expérience de réalisation avec des instruments comme s’ils étaient musiciens. Les instruments ont été reproduits dans le Carrousel avec l’aide de 4 musiciens.

Comment peuvent se rejoindre l’acoustique et le numérique ?

Une musique numérique a été créée avec un ordinateur, mais elle devient acoustique dès lors que le son sort de l’enceinte.

Le numérique est-il un apport?

Depuis la création des premiers instruments, cela n’a pas cessé d’évoluer. Depuis la préhistoire, il y a eu plusieurs révolutions instrumentales. La création de l’ordinateur est la nouvelle révolution.

Y a-t-il des dangers ?

Aujourd’hui il n’y a pas de danger, mais peut être que dans plusieurs années ce sera dangereux pour les compositeurs et les musiciens, car avec l’intelligence artificielle additionnée à des recettes qui marchent, les musiques pourraient être crées par des robots pour plaire au maximum et faire gagner de l’argent à leurs propriétaires.

Comment recréez-vous des sons acoustiques en numérique ?

Les instruments ont été créés avec des samples de très bonne qualité ce qui permet de produire une sensibilité comme sur un instrument acoustique. Par exemple, si on appuie plus ou moins fort sur un violon, cela donnera un son différent.

Comment être le plus fidèle possible aux instruments ?

Ceux qui ont travaillé sur les sons numériques n’ont pas cherché la fidélité, mais ont disposés des petits clins d’œil aux instruments !

Y a-t-il des réfractaires ?

Oui, car les joueurs du piano se repèrent grâce aux dièses et aux bémols (touches noires du piano), ce qui leur permet de donner la bonne note. Ces touches sont absentes dans le carrousel.

Le numérique dépasse-t-il l’acoustique ?

Dans un concert baroque ou classique, le numérique n’a rien n’a faire. Il n’a pas sa place dans le festival de la musique classique de saintes. En revanche il permet de rendre plus accessibles les morceaux, car il y a une facilité de création.

Pourrait-on imaginer voir un orchestre symphonique joué sur tablette et non plus avec des instruments ?

Le numérique peut aider dans le rajout de son non-instrumental, mais les musiciens qui jouent sur tablette ne sont pas intéressants à regarder. On ne verrait pas la manière dont ils jouent ni, surtout, leurs émotions !

Malo Tessier

Illustration Marion Bertin