18 juillet 2019 - écrit par Jean de la Roche

L’ange gardien de l’Abbaye aux Dames

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Il est le « protecteur » de l’Abbaye aux Dames, détient toutes les clés et connaît tous les recoins de la bâtisse. Rencontre avec Widgie.

C’est un des personnages qui n’apparaît pas sur la scène mais qui œuvre dans les coulisses de l’Abbaye aux Dames. Widgie François, 54 ans, énorme trousseau de clés clinquantes à la ceinture, est chargé de la sécurité d’environ 37.000 visiteurs annuels et de ce joyau du patrimoine aquitain. Une mission de l’ombre, mais de la plus haute importance, pour cet homme à la personnalité touchante, soucieux des autres, des végétaux et des murs de l’Abbaye.

Originaire de la région, ce père de deux garçons a d’abord eu une première vie bien loin du prieuré saintais. Avant d’être le gardien principal de ce petit monde dédié à la musique, Widgie œuvrait dans la construction. Il était artisan et avait une entreprise de maçonnerie. « J’ai eu des problèmes de santé, de dos, j’ai eu pas mal d’opérations, donc j’ai été obligé de quitter mon métier, puis de faire un reclassement professionnel. J’en ai profité pour travailler dans la sécurité », raconte-t-il avec un air nostalgie, à l’ombre de la voile de la cour.

En 2016, la vie lui offre cependant une opportunité : Widgie devient gardien principal de l’Abbaye, après trois ans de formation à la Gendarmerie et au sein des pompiers. Un métier alliant tout ce qu’il affectionne : le contact humain et la diversité des tâches, de l’entretien des plantes au secours aux victimes, en passant par la sécurité incendie. Cette dernière mission, sa préférée, consiste notamment à examiner les charpentes en bois et à vérifier le fonctionnement des extincteurs. Aucun départ de feu n’a été répertorié jusqu’ici, mais un accident peut arriver à tout moment. Widgie est donc toujours sur le qui-vive.

Il y a quelques jours, l’homme est intervenu auprès d’une dame victime d’un malaise. Durant l’été, ce type d’incident est courant, en particulier chez les personnes âgées, nombreuses au festival. Les premiers gestes et l’accompagnement sont primordiaux pour cet homme au sourire doux : « il faut toujours sécuriser la personne, la mettre en position latérale et essayer de la réconforter ».

Les horaires ne sont pas des plus simples: Widgie travaille est d’astreinte, six jours sur sept et la nuit, il procède à une ronde pour s’assurer que tout va bien et que personne n’est rentré sans y être autorisé. « Il faut toujours dormir d’un œil, dit-il en souriant, et garder son sang-froid en toute situation ». Même si le gardien ne se passionne pas pour le monde de la musique ancienne, il aime écouter les sons qui sortent des salles de répétition et de l’abbatiale. « Je n’ai pas de lien particulier avec la musique, même si je l’entends toute l’année. Mais quelque part, on se régale des sonorités classiques, on entend des choses que l’on n’entend pas forcément ailleurs ». En dehors du festival, tout le reste de l’année, le conservatoire au deuxième étage est actif. Widgie est amené à passer régulièrement dans ce grand couloir et s’amuse des cours donnés, « ce sont des jeunes qui apprennent, il y a des couacs et c’est assez rigolo ».

Ayant commencé à travailler très jeune, Widgie peut prétendre à la retraite dans 8 ans. « Il y aurait plein de choses que je voudrais faire, mais le temps que je les prépare, ça serait trop long. On est dans un âge où il est trop tard pour avancer et trop tard pour reculer ». D’ici là il se voit bien continuer à monter et descendre les nombreuses marches de l’abbaye mais une chose est sûre: les festivaliers pourront encore compter un petit bout de temps sur Widgie, leur ange gardien.

Clara, Inès, Camille