GR2021 Éclat du son : exposition virtuelle

Cette exposition s’inscrit dans le parcours GR2021, explorations pour les curieux d’art contemporain et de patrimoine en région Nouvelle-Aquitaine. Il est le fruit d’une première collaboration entre le réseau Abbatia et le FRAC Poitou-Charentes.

7 abbayes (Trizay, Charroux, Celles-sur-Belle, Saintes, Fontdouce, Saint-Savin-sur-Gartempe et Saint-Amant-de-Boixe) ont répondu à la proposition d’accueillir des œuvres d’art contemporain en leurs murs et ainsi créer un parcours, aussi exigeant que réjouissant, à travers la Nouvelle-Aquitaine, qui ravira les curieux d’art, les amateurs de patrimoine roman et les amoureux des itinéraires bis.

GR2021, c’est :

  • La rencontre de lieux de patrimoine séculaires que sont les abbayes de Nouvelle-Aquitaine réunies au sein du réseau Abbatia et de la collection du FRAC Poitou-Charentes dont la mission principale est de constituer et rendre accessible une collection publique d’art contemporain.
  • Un dialogue proposé entre l’âme de lieux chargés d’histoire avec l’art et la création contemporaine.
  • Un nouveau regard sur les monuments et une nouvelle résonance pour les œuvres d’art contemporain.
  • Suivre un fil d’Ariane qui appartient à chaque lieu pour y découvrir un parcours artistique à chaque fois renouvelé.
  • Une invitation à un voyage intérieur inédit…

Bonne découverte !

En résonance avec le projet culturel de l’abbaye, c’est la musique et ses déclinaisons qui constituent le fil conducteur de ce projet un peu particulier : la sélection des œuvres ainsi que la rédaction des notices sont opérées par un groupe d’élèves de terminale, enseignement spécialité Arts plastiques du lycée Bellevue à Saintes accompagné par leurs professeures, les équipes du FRAC et de l’abbaye.
Leurs choix, influencés par les synesthésies, retiennent des œuvres tissant des liens entre le visuel et le sonore. L’exposition interpelle notre regard sur le son, procure une expérience visuelle et sonore ou sonore et visuelle. Elle oscille entre harmonie, écho, grondement et cacophonie selon le voyage sensoriel du visiteur.

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Les œuvres

Michel Blazy

né en 1966 à Monaco, vit à Paris.

Sans titre (Derviches Tourneurs), 1993
sacs plastiques blancs, dimensions variables

L’œuvre est constituée de sacs plastiques blancs, noués au moyen d’un élastique, évasés, disposés à même le sol. Ils semblent tenir debout par enchantement et se mettent à danser dans l’espace au moindre courant d’air. Une danse silencieuse qui n’est pas sans rappeler les danses religieuses des derviches tourneurs lors desquelles les prieurs-danseurs tournent sur eux-mêmes, entrant comme en transe. L’installation de Michel Blazy Sans titre (Derviches Tourneurs) emprunte son nom à ces danseurs emblématiques de l’Ordre Mevlevi, ordre musulman fondé au XIIIe siècle sur les enseignements de Rûmî. Michel Blazy produit des œuvres éphémères et fragiles. Sa démarche artistique implique des matériaux pauvres et non artistiques et des processus physiques ou organiques.

Tania MOURAUD

née en 1942 à Paris, vit à Paris.

Impression «Made in Palace», 1980
4 photographies noir et blanc 32 x 52,5 cm

Au début des années 1980, Tania Mouraud fréquente une discothèque parisienne mythique nommée Le Palace . Elle participe plus particulièrement aux « gay parties ». Elle va en tirer une série de 4 photographies en noir et blanc de danseurs présents dans le club. Les images prises sur le vif, laissent place à l’imagination du spectateur afin de retranscrire l’ambiance au moment du cliché. Travail sur le mouvement, la vibration des corps, il s′agit peut-être de sentir une insouciance. Les photos nous montrent un contraste entre la façon où les habitués du Palace profitent de la fête et l′arrivée toute proche des ravages du SIDA. Les œuvres sont placées face à face, le spectateur se retrouve donc au milieu, il peut facilement se plonger dans cette ambiance.

Emily Bates

née en 1970 en Grande Bretagne, vit à Amsterdam, Pays Bas.

Lilisha, 2006-08
tirage cibachromes sur Dibond avec Plexiglas, 107 x 85 cm

Cette photographie nous montre une jeune femme d’origine asiatique devant un mur terne et craquelé. La première chose que l’on remarque est l’expression de son visage : rit-elle ? chante-t-elle ? Prise sur le vif, Lilisha, aux longs cheveux noirs, portant un bas de pyjama enfantin et un soutien-gorge, témoigne du temps qui passe. En effet, ces vêtements de marques occidentales viennent contraster avec les traditions chinoises ancestrales qui se perdent dans le temps. Cette photographie fait partie d’un projet intitulé Love scenes, réalisé lors du voyage de l’artiste dans une province chinoise où vivent les Naxi, une minorité ethnique, aux coutumes et chants traditionnels, qui s’occidentalise au fil du temps.

Davide Balula

né en 1978 à Vila dum Santo au Portugal, vit à Paris.

Flaque, 2008
verre et bois, ø : 150 cm

Flaque est une œuvre de Davide Balula qui évoque le mouvement de l’eau lorsqu’un galet ricoche sur la surface. L’œuvre, composée de verre, semble arrêter le temps en figeant l’eau dans son mouvement. La fragilité de l’œuvre, due au fait que les plaques de verre soient simplement posées sur les morceaux de bois, donne une impression de la fragilité du temps. Davide Balula souligne l’esthétique « fragile », imbriquant l’art et la vie dans son œuvre. Cette esthétique fragile révèle le sens et la beauté cachée de nos gestes les plus élémentaires, dans des instants fragiles, vécus comme des poésies en rupture avec le quotidien. Cela tient en un geste, une atmosphère, un mouvement brusque faisant s’agiter l’eau d’une manière suavement lyrique. Cette œuvre fragile à l’esthétique douce nous fait presque entendre “par l’ondulation du verre” le galet frotter sur la flaque d’eau.

Erwan Venn

né en 1967, vit à Bordeaux.

Séminaristes #01, 2012
impression numérique contrecollée sur Dibond, 110 x 74 cm

Des séminaristes sont des étudiants suivant l’enseignement de l’Église catholique : ils apprennent la théologie, la philosophie et la théologie pastorale. Ils sont ici photographiés assis dans un champ. Mais pourquoi l’artiste a-t-il effacé les visages et les mains ? Retouchant des photographies anciennes prises par son grand-père, l′artiste évoque une histoire familiale dont il est l’héritier. En faisant cela, il espère s’émanciper des remords dont il est submergé. En rendant les personnages anonymes, il fait aussi basculer l’histoire familiale du côté du collectif, interrogeant la formation ou le conditionnement des esprits de manière générale. Les visages effacés de ces hommes dans un champ, provoquent en nous le silence. Sans l’expression de leurs faciès, ils perdent tout leur vivant, comme si leurs âmes étaient parties. Le travail de l’artiste sur les archives familiales commente l’histoire de l’idéologie fasciste, et l’existence pendant la Seconde Guerre Mondiale. Sous l’occupation allemande, il fallait faire un choix entre collaboration et résistance. Erwan Venn représente ces personnages comme décapités, comme une condamnation de l’histoire de son grand-père et des mensonges transmis comme un héritage empoisonné. Dans cet espace alternatif, il questionne, détourne et bouscule les méandres d’une histoire à la fois personnelle et collective. Il fait parler des photographies anciennes, archives familiales sinon restées silencieuses.

Serge Comte

né en 1966 à La Tronche (Isère), vit en Islande.

Délicieuse pucelle n°15, 2000
impression jet d’encre sur Rhodoïd transparent, 144 boîtiers de disquettes 3’5, 120 x 120 cm

Cette œuvre fragmentée synthétise le mélange de l′image de l′artiste avec celle d′une femme. Ce titre assez énigmatique peut évoquer les premières fois, l′extase face à une émotion nouvelle : retrouver un être cher, vivre un moment sacré, assouvir un plaisir, être saisi par une œuvre… Par définition, cette exaltation peut être provoquée par une joie ou une admiration extrême. Le personnage hybride créé par Serge Comte semble être transporté hors de lui et hors du monde sensible. Cette posture de madone en adoration est proche des extases représentées dans les œuvres de la Renaissances italienne. On peut se poser la question de la référence à la culture pop grâce à ce cri de délivrance ou de plaisir caché qui raisonne à travers ces pochettes de disquettes d′un autre temps.

Paolo Codeluppi

né en 1974 à Singapour (Malaisie), vit à Bagnolet.

Globe muet, 2013
plastique peint, 70 cm et 55 cm de diamètre

Globe muet est une œuvre de Paolo Codeluppi qui représente deux globes dits « muets » qui peuvent s’apparenter à des planètes noires lointaines ou une idée d’un lieu réel mais inatteignable. Globe muet signale la présence de l’inconnu. L’œuvre, comme de nombreuses autres, peut être interprétée de plusieurs façons selon la subjectivité de chacun. Certains verront la fin du monde, d’autres l’absence totale de vie… Imaginons un instant des sons capturés par le globe… En réalité avec ces globes muets Paolo Codeluppi interroge l’infinité de notre savoir. À une époque où la connaissance est de plus en plus précise, où les moindres recoins de la Terre ont été découverts, comment penser notre rapport au monde ? Le mot “globe” se réfère à la Terre ou encore à une planète. Par sa couleur noire et son titre Globe muet, on peut imaginer l’absence de toute vie, de pensées, de sons : le néant. Ces sphères peuvent aussi représenter un trou noir aspirant “tous bruits”, ne laissant plus que silence. Le silence ne serait-il pas sonore ?

Pascal Lièvre

né en 1963 à Lisieux.

L’éternel retour, 2012
vidéo, 3’27’’, ed. n°1/3

L’éternel retour, ce texte d’Alain Badiou, est chanté par Florent Matéo couvert de paillettes noires. En arrière-plan, superposé au portrait chantant, des Rotoreliefs de Marcel Duchamp. La bande sonore diffusée en continue n′est autre qu’un arrangement de The Cold Song de Henri Purcell. Cette vidéo est à découvrir dans cette alcôve un peu à l’écart des autres œuvres pour profiter d′un moment de recueillement philosophique auprès de cette figure pailletée. Le strass de la pop music confrontés aux variations de Purcell, les Rotoreliefs qui percutent la statuaire grecque, autant de symboles convoqués dans l’œuvre de Pascal Lièvre qui résonne entre harmonie et dissonance. L’éternel retour nous apparaît comme une chimère à la fois engagement significatif et universel. Il convoque une certaine forme de philosophie. Toute invention intellectuelle, toute création philosophique est développée par un geste divisé dans leurs formes. Ses paroles montrent de la gravité dans la bouche de cette statue grecque étincelante. Cette image en mouvement, ce visage chantant, questionnent le rapport mystérieux entre la philosophie et la politique. « Aussi énigmatique que majestueuse, celle-ci installe une présence équivoque, soutenue par un mélange des genres habituel chez le plasticien Pascal Lièvre : le sérieux de la parole savante se joint à l’émotion de la performance lyrique, le tout formant un culte à mystères pop et précieux. » (Florian Gaité, 2014).

The Plug
David Brognon, dit The Plug

né en 1978 à Meessancy (Belgique), vit à Arlon (Belgique) et à Luxembourg.

Untitled (Booum), 2008
plâtre sur néon, 90 x 250 cm

David Brognon, The Plug, choisit un pseudonyme qui s′apparente aux prises électriques, nom sonore qui évoque aussi un bouchon ou une prise qui se détache. Cette œuvre Untitled (Booum), forme une onomatopée géante (boum). Évoquant le son d′une détonation, modulée par la forme du mot et sa taille. L’artiste joue avec les contradictions entre forme et sens car le mot « boum » évoque un son mais celui-ci est enfermé dans du plâtre, ce qui donne l′impression qu’il est étouffé. L’œuvre devient alors muette : éteindre le néon et figer le son. Les spectateurs peuvent interpréter le «boum» grâce à leur imagination. Cette œuvre a été choisie car elle «condamne» un son sans en produire. Harmonie avec le lieu, pierre blanche de l′abbaye et explosion visuelle du néon plâtré dans un blanc immaculé. Le travail plastique de David Brognon s’empare de façon critique des codes et des conventions qui régissent notre environnement sonore et visuel pour mieux nous révéler notre perception convenue du quotidien.

Trisha Donnely

née en 1974 à San Francisco (USA) , vit à Los Angeles, Californie (USA).

The Vibration Station, 2002
photographie noir et blanc, tirage argentique, 10 x 12,5 cm

Dans cette œuvre photographique, Trisha Donnelly nous propose une expérience sensorielle et auditive fidèle à ce qu’elle a vécu : ressentir les vibrations d’un concerto pour orgue. Il s′agit d′une photographie en noir et blanc, mettant en scène un orgue à tuyaux inversés qui forment alors, ce qu’on pourrait interpréter comme une sorte de lustre. À la vue de The Vibration Station, le spectateur peut alors s’imaginer un orchestre composé de ces instruments. Elle prend toute sa place dans cette exposition, illustrant parfaitement la synesthésie qui s′opère en regardant cette image. En effet, bien qu’il s’agisse d’une photographie, et donc d’une œuvre ne produisant aucun son, sa représentation orchestrale, peut alors procurer au spectateur, un souvenir mélodieux. Cherchant du regard les photographies exposées non loin d’elle, cette dernière a la particularité d’être bien moins grande, ce qui, par conséquent, peut permettre au visiteur une perception particulière et intimiste. Il faut s′approcher pour contempler et découvrir l’œuvre, une relation sensible s′opère alors. Peut-on entendre les vibrations de l′orgue ?

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