Ambiance-festival-par-Marion-Bertin

Récit d’une festivalière

Partager :

FESTIVAL DE SAINTES 2023

Quand on revient pour la deuxième fois, c’est une évidence mais tout est différent. La ville m’est maintenant familière, ce qui ne m’empêche pas de continuer à admirer ses maisons blanches et sa rivière presque champêtre avec les arbres qui s’y reflètent, avec ses bateaux en attente d’aventure. Cependant l’abbaye-aux-dames, symbolisée par son vieux clocher qui pointe au-dessus des toits, va devenir plus que jamais le centre d’intérêt.

Cette année, nous logeons dans un hôtel tout proche et nous pourrons ainsi assister à toutes les rencontres matinales qui ont lieu sous la voile, dans cette cour séculaire transformée en espace convivial et accueillant pour tous les festivaliers en quête d’informations ou de restauration rapide. On s’y rencontre, on y discute, on y consomme : d’un côté quelques rangées de chaises face à une sorte de podium, de l’autre de grandes tables recouvertes de toiles cirées rouge et blanc. On aime s’y attarder surtout avant les concerts.

Cette année, nous remarquons quelques changements : plus de livre-programme qu’on pouvait acheter mais un petit fascicule tout à fait ordinaire qui donne cependant les informations nécessaires sur les programmes. « C’est pour économiser le papier et diminuer la pollution » nous dit-on. Les horaires aussi ont changé et semblent plus raisonnables : 4 concerts par jour à 11, 15, 18, 21 heures, ce qui permet de manger à des heures convenables. L’abbatiale a été totalement restaurée et peut désormais accueillir de nombreux concerts dans la totalité de la nef. Ainsi une immense scène a-t-elle été aménagée dans le chœur ! Quant à la cathédrale, elle restera le lieu des grandes mises en scène et des concerts spatialisés, son architecture intérieure permettant bien des déplacements de personnes et de mobilier. Ainsi la scène se retrouve-t-elle au milieu du public qui ne voit pas tout mais est entouré de sons.

LE FESTIVAL

SAMEDI 15 JUILLET : 21 heures.

Là on respecte les traditions, c’est le JOA (jeune orchestre de l’abbaye) qui ouvre le bal au Gallia comme l’an dernier mais les jeunes, qui viennent de plusieurs pays, ont changé et le chef d’orchestre aussi.

Ce dernier c’est Hervé Niquet, le nouveau et superbe directeur artistique du festival de Saintes, consacré tout entier à la programmation et aux relations avec les artistes alors que David Théodorides est directeur administratif et doit veiller à la bonne marche du festival.

Comme tout directeur artistique, Hervé Niquet est aussi un artiste renommé et brillant qui nous racontera son parcours le lendemain matin « aux rencontres ». Il dirige l’ensemble le concert spirituel que nous aurons la chance d’apprécier plus tard.

Le concert de ce premier soir se veut léger et brillant, il comporte une majorité d’œuvres d’Offenbach admirablement chantées par la jeune Marie Perbost que le chef met en valeur en allant même jusqu’à chanter quelques paroles avec elle.

Cette première apparition d’Hervé Niquet nous a permis d’appréhender deux traits principaux de son caractère : la virtuosité et la bonne humeur teintée d’une pointe d’humour.

L’an dernier, le Gallia était devant chez nous, nous n’avions que quelques pas à faire pour rejoindre notre appartement. Cette année, nous devons marcher pendant 20 minutes pour regagner l’hôtel mais ça descend et pour le  moment je n’éprouve pas de difficultés.

DIMANCHE 16 JUILLET

9 heures : Une chorale éphémère a été constituée pour le festival, elle chante tous les matins dans l’abbatiale et sa prestation a pour titre « les matines ». Nous allons voir : j’ai l’impression de me retrouver face à des moines lors d’un office religieux. Aucune mise en scène si ce n’est l’entrée disciplinée dans le chœur de l’abbatiale, aucun salut, aucun applaudissement non plus. Je n’y reviendrai pas

10 heures : les rencontres

Je suis contente de pouvoir y entraîner Marie-France qui était réticente au départ et qui y reviendra volontiers . Ce jour-là, nous nous installons derrière une table à toile cirée face au podium qui n’a pas encore adopté sa place définitive. On aurait pu prendre un petit déjeuner offert mais nous venions de l’hôtel et ce n’était pas nécessaire.

Face à nous une jeune journaliste va interviewer plusieurs participants ; l’organiste qui « agrémentait » les chant des choristes de « matines », Hervé Niquet et curieusement Shirley et Dino. Je dis « curieusement » car ces deux humoristes sont inattendus dans un festival aussi sérieux que celui de Saintes. C’est une volonté d’Hervé Niquet qui souhaite apporter une note humoristique à certains spectacles.

Shirley et Dino vont quand même jouer dans le registre musical et accompagner quelques concerts comme nous le verrons un peu plus loin. Hervé Niquet va se raconter même s’il fait semblant de ne pas en avoir envie et nous verrons qu’il a un parcours tout à fait original

le menant du cirque à la musique et de la pratique de plusieurs instruments (dont le clavecin) à la direction d’orchestre et de festival. Toutes ces étapes ont forgé un personnage sympathique et brillant, courageux et passionné mais anxieux avant le spectacle. Il avoue que le trac ne l’a jamais quitté et augmente avec les années.

Quand on l’interroge sur son nouveau poste de directeur artistique, il ne cache pas son enthousiasme et un brin de fierté surtout quand il avoue qu’il a pu engager William Christie qui se fait rare (et cher) de nos jours.

15 heures : Sacqueboutae.

Les concerts de 15 heures sont généralement consacrés aux jeunes musiciens et ils ont lieu dans une salle (je dirais plutôt un patio intérieur) nommée l’Étoile. Ce lieu difficile à décrire doit son nom à une sorte de baie pratiquée au plafond et en forme d’étoile stylisée. Ainsi le jour qui éclaire le public diffuse une douce lumière qui paraît naturelle si bien qu’on a l’impression d’être dans une cour. Nous nous sommes souvent demandé, Marie-France et moi comment avait été construite cette nouvelle salle, intégrée à la médiathèque mais adossée à un édifice ancien. Les places ne sont pas numérotées si bien qu’il faut y arriver très tôt si l’on veut avoir la chance d’apercevoir les musiciens. Ce qui n’a jamais été le cas pour nous. Il faut dire que ce local, pour le moins insolite, est situé dans le quartier de la cathédrale, loin de l’abbaye et de notre hôtel. Cinq jeunes joueurs de sacqueboute entourent une percussionniste pleine de vigueur et de talent. Tous lauréats du concours des instruments anciens de Toulouse en 2016, ils joignent à leur virtuosité des dons de pédagogues. Chacun présente son instrument, une sacqueboute alto, ténor ou basse rythmées par les percussions de l’époque présentées par celle qui les manipulent si bien.

La sacqueboute est l’ancêtre du trombone et était très utilisée à la Renaissance ; nos jeunes musiciens avaient choisi comme thème un voyage en Europe. Nous les avons beaucoup applaudis et ça faisait plaisir de voir leur visage rayonner de bonheur après le spectacle.

18 heures : Marie-Josèphe Jude & Michel Beroff, pianos.  Shirley et Dino, récitants.

Cette fois-ci, je vais seule à ce spectacle, Marie-France ne l’ayant pas choisi. C’est au Gallia, lieu qui m’est familier puisque nous y étions la veille au soir.

Deux pianistes sont installés face à face, chacun derrière son piano : brune avec un chignon, sourire aux lèvres et taille moyenne, elle a un peu la même allure que Shirley, les cheveux épais avec une mèche sur le front, il pourrait ressembler à Dino ; en plus, ils ont du mal, surtout lui, à s’adapter à leurs pianos respectifs si bien qu’on a l’impression qu’ils jouent la comédie. Qui sont-ils ces deux-là, de vrais pianistes ? La réponse ne tardera pas à venir en écoutant leur jeu brillant mais de petits incidents tout au long de cette première partie sèment le doute et la perplexité. Des passages ont été repris, pourquoi ? Tous simplement parce que ces deux magnifiques pianos du XIX° siècle ne sont pas fiables.

Shirley et Dino finiront par apparaître dans la deuxième partie pour présenter plusieurs morceaux du « carnaval des animaux » de Camille Saint-Saêns, joués par les pianistes qui ne sont vraiment qu’au second plan. Les deux comédiens s’emparent de la salle, ils font participer les enfants. Ils sont venus pour ça mais ils ne plaisent pas à tout le monde. Quelques personnes s’offusquent ; des fantaisistes tels que Shirley et Dino ont-ils vraiment leur place dans un tel festival ?

Je terminerai ma journée musicale là, bien contente de pouvoir me reposer après le dîner. Je laisserai Marie-France aller toute seule écouter « l’orchestre d’harmonie de la Garde républicaine comme c’était prévu.

LUNDI 17 JUILLET

10 heures :  Les rencontres.

Si Marie-France a voulu revenir écouter « les matines », moi j’ai préféré rester quelques instants de plus à l’hôtel et nous nous sommes retrouvées, « sous la voile ».

Le podium avait changé de place et nous permettait de découvrir l’abbatiale en toile de fond,

de plus, nous étions installées sur des chaises au premier rang. Au programme deux musiciens qui vont se produire à 11 heures à l’auditorium voisin. Il s’agit de Myriam Rignol gambiste et de Jean Rondeau claveciniste. Les deux artistes répondent volontiers aux questions de la journaliste sur leur parcours. Je suis surprise d’entendre Jean Rondeau qui s’exprime avec aisance et force détails, lui qui ne prononce que quelques mots (et encore !) pour présenter ses concerts. Il y a aussi sur le canapé blanc (en plastique) des rencontres un as de la mise en scène et de la direction d’orchestre Simon Pierre Bestion, chef de « la Tempête » qui présente son spectacle du soir dont nous aurons l’occasion de reparler.

Malheureusement, cette séance qui avait été très agréable et particulièrement décontractée va se terminer par un petit incident. Au moment réservé aux questions du public, un homme s’adresse à David Théodorides qui participait à ces rencontres en tant que directeur administratif. Il déplore le manque de précisions des programmes réduits à leur plus simple expression dans ce fascicule sommaire. Bien sûr, on lui répond qu’on peut tout trouver sur Internet. Au-delà de la question on sent un malaise : les protestations s‘amplifient et David semble contrarié, vexé même. L’heure du concert approche, pas le temps de polémiquer, il faut aller prendre sa place dans la longue file qui s’est formée à la porte de l’auditorium et s’étire le long des murs de l’abbaye.

11 heures : Jean Rondeau, clavecin ; Myriam Rignol, viole de gambe

Le concert a lieu dans l’auditorium de l’abbaye, une salle voûtée aménagée pour la musique, la scène est désormais installée au fond, ainsi tout le public est en face. Depuis l’an dernier, on a aussi installé de confortables gradins. Tout a été fait pour améliorer la visibilité. Nous avions réservé nos billets pour ce concert aussi nous trouvons-nous bien placées, presqu’au premier rang. Le programme est organisé autour de Jean-Sébastien Bach : sonates jouées en duo, un prélude pour le claveciniste et une suite pour violoncelle(transcrite) pour la gambiste. J’ai beaucoup aimé et applaudi avec vigueur comme tous les spectateurs. J’ai apprécié le compositeur Bach que je découvre de plus en plus dans les différents festivals, mais aussi les musiciens. J’ai observé leurs visages : celui de Myriam Rignol qui était tendu au début, s’illumine d’un sourire, elle caresse sa viole et la regarde comme si elle allait lui parler. Jean Rondeau, au contraire est imperturbable, impénétrable, c’est à peine si son visage traduit une émotion mais il est efficace au clavier !

15 heures : Vox 21, « anastomosis » pour 5 chanteurs.

Trois heures entre la fin du premier concert et le début du suivant, c’est peu  court surtout lorsqu’il faut déjeuner, se reposer un peu et faire un bon kilomètre en côte pour rejoindre « l’Étoile » ! Résultat, nous sommes parties trop tard, il a fallu marcher très vite et comme le placement était libre mais réservé, nous avons bien eu des places mais sur un mauvais banc adossé au mur du fond. Malgré tout, nous voyions très bien les jeunes chanteurs.

« Dans le monde du vivant, le mot « anastomosis » désigne la fusion naturelle entre deux êtres distincts…c’est un peu ce que ce programme tente de faire en faisant s’entremêler les chefs-d’œuvre de deux compositeurs qui se trouvent aux deux extrémités de l’époque baroque : Monteverdi et Bach. » Le résultat est admirable car les chanteurs, par leur virtuosité et le travail en amont ont su redonner vie à ces pièces pour 5 voix : deux sopranos, un ténor, une basse et un contre-ténor.

18 heures : Le consort. Opus 1

Et nous voilà redescendues vers l’abbaye, cette fois-ci dans l’abbatiale. Nous sommes au premier rang pour admirer 4 jeunes trentenaires, deux filles et deux garçons, ouverts, sympathiques en diable et surtout brillants. Sophie de Bardonnèche joue du violon, Louise Pierrard de la viole de gambe ainsi que Théotime Langlois de Swarte et Justin  Taylor du clavecin. Ils ont redécouvert un musicien et compositeur baroque, Jean-François Dandrieu, connu surtout comme organiste mais qui a aussi écrit des sonates en trio qu’ils vont reprendre. Ils se sont rencontrés tous les quatre à cette occasion, c’est pourquoi, ils ont baptisé leur concert « opus 1 ». Mais ils nous joueront aussi Corelli, Bach et Vivaldi. Et nous retiendrons la folia de Vivaldi que j’avais déjà entendue l’an passé à Périgueux jouée par Ophélie Gaillard et son ensemble.

21 heures : La tempête / Requiem imaginaire pour Charles Quint « la bomba flamenca ».

Nous nous attendions à un spectacle grandiose car nous connaissions déjà les compétences et la maîtrise de Simon-Pierre Bestion mais ce nouveau concert spatialisé a dépassé toutes nos espérances ! En plus le thème nous était familier, c’était l’Espagne de Charles Quint dans toute sa splendeur et aussi la charge culturelle des siècles qui l’avaient précédée et marquée : du codex calixtinus aux chants mozarabes, c’était justement le souvenir de toutes ces cultures qui s’étaient épanouies en Espagne avant d’être étouffées par les rois catholiques et leur descendant Charles Quint. C’était un requiem pour toutes ces cultures !

Simon Pierre Bestion a rendu dans sa mise en scène ce mouvement, ce foisonnement des cultures disparues. Nous étions entourées par les exécutants dans cette cathédrale où tous les déplacements sont possibles et où l’acoustique est merveilleuse. Ce fut une très belle soirée et nous avons même apprécié de revenir à pied vers notre lieu d’hébergement, ça descendait et il faisait frais.

MARDI 18 JUILLET

1o heures : rencontres.

Ce matin, nous rencontrerons un musicien que nous avons déjà vu la veille et que nous avions apprécié avec son ensemble : le violoniste Théotime Langlois de Swarte : grand, (je n’irai pas jusqu’à dire « beau » si on le compare à son collègue Justin Taylor), très ouvert, maniant l’humour aussi bien que son archet, il nous apparaît un peu comme un magicien surtout lorsqu’il sort de son sac deux violons, l’un ancien et l’autre moderne. Il veut ainsi nous démontrer que la forme du violon n’a pas changé ! Il intervient en premier car il doit jouer à 11 heures à l’auditorium. J’hésite un instant, il doit bien rester quelques billets, si j’allais en chercher une ? Reinoud Van Mechelen, ténor et chef de « A nocte temporis », l’intervenant suivant, s’est effacé de ma mémoire peut-être parce que je me demandais si j’irai voir Théotime. Je me souviens seulement qu’il était accompagné de son violoncelliste Ronan Kernod. Finalement je n’ai pas eu le courage d’aller chercher mon billet : il fallait faire vite et je suis un peu ralentie à mon âge.

15 heures : Monsieur Fuchs trio / musique pour vents du XVIII° siècle, « place aux jeunes musiciens »

Cette fois-ci, nous arrivons à l’heure à « l’Étoile » et pouvons nous placer correctement. Comme le nom de leur ensemble l’indique, ils sont trois : Eduardo Gaspar Polo Baader à la flûte, Carolina Guiducci à la clarinette, William Gough au basson. Ils ont adopté le nom d’un clarinettiste du XVIII° siècle Georg Friedrich Fuchs. Ils connaissent leur affaire et apparaissent comme les spécialises de cette musique qui permet de découvrir des œuvres de Joseph Bodin de Boismortier et de François Devienne, chaleureusement applaudi par un public ruisselant de sueur, ils rayonnent de bonheur et ne semblent pas souffrir de la chaleur.

18 heures : « A nocte temporis », Scottish songs.

Et nous voilà reparties pour l’abbatiale pour voir et écouter cet ensemble qui nous avait été présenté par son chef, ce matin. Il se compose de Anne Besson, traverso, Anthony Romaniuk, pianoforte, Élise Dupont, violon, Ronan Kernod, violoncelle et Reinoud Van Mechelen, ténor (et direction). Au programme Beethoven et Weber, surtout beaucoup de morceaux chantés en allemand ! Heureusement que j’ai découvert un instrument d’accompagnement qui m’a beaucoup plu et que j’avais peu entendu jusqu’alors : le pianoforte. Surprenant et attachant à la fois, un son à mi-chemin entre le clavecin et le piano ; je dois dire aussi qu’il était magistralement joué par Anthony Romaniuk. À la fin du concert et pour permettre à Reinoud Van Mechelen de reposer sa voix, les musiciens ont eu l’idée géniale de jouer le premier mouvement de la symphonie n°7 de Beethoven. C’était à la fois fantastique et surprenant d’entendre ça : j’ai applaudi à tout rompre mais je n’étais pas la seule ! Marie-France a aimé et pourtant elle n’apprécie pas les symphonies de Beethoven mais elle ne l’avait pas reconnue !

21 heures : Orchestre des Champs Élysées. Mozart, symphonie n°41 (Jupiter) et Beethoven, symphonie n°3 héroïque. (Dirigé par Philippe Herreweghe)

La scène de la cathédrale était presque trop petite pour accueillir tous ces musiciens (une quarantaine), nous étions au premier rang et nous voyions très bien les violons et violoncelles surtout. Le programme m’a beaucoup plu mais, comment dire ? Je trouvais que ça manquait un peu de chaleur humaine. Ceci vient certainement de la personnalité du chef.

MERCREDI 19 JUILLET

10 heures : rencontres

Aujourd’hui, Marie-France est partie avant moi sans doute parce qu’elle avait envie de s’intéresser de plus près aux matines. Il faut dire qu’il s’agit de choristes venant de plusieurs chorales amateures de Charente Maritime. Moi j’ai un peu traîné à tel point que je suis arrivée en retard et n’ai pu trouver une place sur les chaises destinées au public. Cependant, j’ai eu le plaisir de rencontrer Nathalie l’ex-présidents de Sinfonia qui n’a pu continuer dans sa lourde charge. Nous avons discuté un moment mais après j’ai pu entendre Damien Guillon le chef du « banquet céleste » que nous irons voir en fin d’après-midi. Marie-France enchantée par la présentation du spectacle de 11 heures décide d’aller le voir alors que ce n’était pas prévu. Je la suis, nous prenons deux billets et nous rejoignons bien vite l’auditorium.

11 heures : Lucile Boulanger & Philippe Pierlot, dessus et basses de violes. / « Forget me not »

Nos places ont été réservées sur le tard et il ne faut pas s’attendre à être devant mais les gradins ajoutés cette année sont commodes et les fauteuils confortables même s’il y a quelquefois certains craquements inquiétants. Enfin, nous voilà dans les hauteurs mais derrière des têtes assez impressionnantes ou mobiles. Ce fut le cas pour moi car je me suis retrouvée derrière une personne qui n’arrêtait pas de bouger et j’étais obligée pour y voir d’incliner ma tête dans tous les sens. Marie-France n’eut pas ce problème parce qu’elle préfère entendre plutôt que regarder et de plus, elle a failli s’endormir, vaincue par la fatigue. Tous les morceaux joués sont dus à des compositeurs britanniques car à la fin du XVI° siècle « la viole de gambe a rencontré un succès fulgurant en Angleterre, jusqu’à devenir un symbole de l’identité du pays ». Il faut dire que l’instrument offre différentes possibilités d’exécution, « en permettant par exemple de jouer une mélodie tout en s’accompagnant par des accords ». Les deux violistes en font bon usage et nous avions déjà écouté Lucile Boulanger l’an dernier dont le talent était très prometteur. Philippe Pierlot a un mode bien à lui de tirer l’archet et sa longue expérience a augmenté sa virtuosité. Ils furent tellement applaudis qu’ils acceptèrent de faire deux rappels !

18 heures :  le banquet céleste / Royal odes Purcell

La fatigue nous a vaincues et nous avons fait la sieste au lieu d’aller au concert de 15 heures. Un petit changement supplémentaire qui va bien nous arranger aujourd’hui : le concert a lieu dans la cathédrale Saint-Pierre mais celui du soir se déroulera dans l’abbatiale toute proche de notre hôtel ! Un détail certes mais un détail qui a son importance pour deux dames d’un certain âge qui commencent à fatiguer !

Les « royal odes » de Purcell sont magnifiquement jouées et chantées par un groupe de 8 chanteurs, hommes et femmes, accompagnés de clavecins, violes de gambe, violoncelles, et instruments à vent. Les déplacements sur scène sont nombreux et bien maîtrisés ; J’ai remarqué une petite violoniste souriante et maîtresse de son art ainsi qu’une osmose complice dans le groupe révélée par des sourires d’encouragement ou d’approbation. Un baryton massif est toujours contracté avant de chanter mais son visage rayonne au moment du salut final ! Là aussi, les applaudissements sont enthousiastes.

21 heures : Les arts florissants / Didon et Énée de Purcell (dirigé par William Christie)

«Très ramassé dans sa forme Dido and Aeneas est un opéra d’une étonnante variété mêlant pastorale, comédie burlesque et tragédie. Il s’agit aussi d’une des pièces les plus chéries des Arts florissants et de William Christie qui, pour cette nouvelle production a réuni ses meilleurs artistes. »

C’est vrai qu’il est difficile de trouver des mots pour qualifier ce spectacle car tout y était parfait : l’interprétation musicale et théâtrale, la pureté des voix, la virtuosité des musiciens, la fluidité des déplacements sur scène. Ce spectacle bien huilé avait une âme. Nous avons applaudi et crié Bravo plusieurs fois. Nous avons vu les visages des exécutants se détendre et rayonner, libérés et William Christie, s’est fait très discret, s’effaçant derrière son équipe. L’un des meilleurs spectacles !

JEUDI 20 JUILLET

10 heures : rencontres.

Le premier à s’exprimer, c’est Adrien Mabire de « La Guilde des Mercenaires » que je connaissais déjà pour l’avoir vu à Périgueux. Il parle de son travail de recherche sur les instruments anciens et particulièrement les cornets à bouquins et sacqueboutes et de la pratique qu’il a développée en s’attachant au répertoire italien du XVI°, particulièrement celui de Claudio Monteverdi. Ensuite, c’est Julie-Anne Moutongo-Black qui raconte son merveilleux parcours de chanteuse qui est passée par le chœur d’enfants de l’opéra grâce à un don naturel découvert par hasard. Nous aurons l’occasion d’apprécier ses talents dans l’après-midi.

15 heures : ensemble Poséidon. « Divins soupirs. Petits motets baroques. »

Ils sont 5 sur scène : Julie-Anne Moutongo-Black, mezzo-soprano, Julián Rincón basson baroque et flûte à bec, Lena Torre, violoncelle baroque, Léa Masson, théorbe, Arnaud Condé, basson baroque, flûtes à bec, direction… Ils jouent Couperin, Charpentier, Campra, De Visée.

Ils changent d’instruments, font des commentaires savants sur un ton badin et pour les accompagner la très belle voix de Julie-Anne domine l’ensemble et envahit l’espace. C’est très beau.

21 heures : Galilei Consort dirigé par Benjamin Chénier.  « Grande messe vénitienne pour la naissance de Louis XIV »

Je dirai simplement qu’après « la bomba flamenca » et « les arts florissants » ce spectacle faisait grise mine. Certes c’était bien chanté, bien joué mais les déplacements engendrant des interruptions maladroites n’étaient pas maîtrisés. Ce fut présenté comme un spectacle spatialisé. En fait, il n’est pas au point et sans doute s’améliorera-t-il au fil des années. Je suis sans doute trop sévère car l’œuvre de Giovanni Rovetta est de toute beauté. Pour compenser j’ai acheté le disque enregistré par le Consort.

VENDREDI 21 JUILLET

10 heures : rencontres

Ce matin Hervé Niquet est là pour nous présenter son spectacle du soir « God save the King ». D’après ce que j’ai compris, il en a dirigé une partie pour le couronnement du roi actuel d’Angleterre Georges III. Il est volubile et amusant, fidèle à l’image qu’il nous a toujours donnée (sauf lorsqu’il a le trac !). Avec lui, le chef de l’ensemble la Sportelle qui semble avoir un grand amour pour Rocamadour dont il a pris l’emblème : la Sportelle. Il faut dire que l’adresse de la compagnie est à Rocamadour.

18 heures : ensemble la Sportelle : « Saintes Maries » de Tomás Luis de Victoria et Francisco Guerrero.

L’abbatiale est un lieu qui convient tout à fait bien à ce genre de concert car il s’agit exclusivement de musique sacrée. Ils sont 7 : Laetitia Corcelle, Ariane Wahlhuter, sopranos, Anne Bertin-Hugault, Marie Royer, altos, Steve Zheng, Cédric Lotterie, ténors, Ronan Airault, Xavier Bazage, basses.

Ils se déplacent souvent sur les limites extrêmes de la scène, quelquefois en contrebas et dos au public. On les entend toujours mais quelquefois, on ne les voit pas. Surprenant !

21 heures : le concert spirituel chœur et orchestre : « God save the King »

Ce concert ayant déjà fait l’objet d’une présentation dans les rencontres du matin, nous n’évoquerons pas son thème et il sera difficile d’en parler car des choses comme ça ne se racontent pas, elles se vivent ! Quels mots employer pour restituer l’ambiance qui s’en dégageait, le dynamisme des musiciens, la force qui emportait le chef au sommet de son art, le son des instruments (presque guerrier par moments) et le souffle qui animait le spectacle ? Le bonheur du public a explosé à la fin dans des applaudissements et des bravos répétés. Hervé Niquet dont le visage reflétait l’anxiété à son entrée en scène ne cessait de sourire et de montrer d’un geste triomphant tous ces exécutants, leur rendant ainsi un vibrant hommage. La cathédrale connut encore un grand soir, nous aussi.

SAMEDI  22 JUILLET

C’est le dernier jour et la fatigue se ressent, engourdissant ma mémoire et ralentissant un peu le rythme des activités. J’ai assisté aux rencontres après une mauvaise nuit ponctuée de réveils , j’ai vraiment oublié qui y était et ce qui s’est dit.

18 heures : Stradivaria. « Sérénades d’été »

Ce concert de 18 heures s’est tenu dans l’auditorium de l’abbaye contrairement aux habitudes. L’abbatiale étant occupée par la répétition du dernier spectacle. Le programme qui comprenait l’ouverture de « La flûte enchantée » et quelques airs de ce même opéra de Mozart m’avait attiré. Mais quand j’ai compris qu’il s’agissait d’un octuor d’instruments à vent, je me suis demandé pourquoi le spectacle s’intitulait Stradivaria. Par ailleurs, je ne trouve pas dans mon fascicule-programme le nom des intervenants si ce n’est celui de Guillaume Cuiller, hautbois et direction. Je sais que c’est difficile de tout mettre dans un programme mais c’est frustrant de ne pas voir le nom de tous les musiciens. Le livre qu’on pouvait acheter l’an dernier pour en savoir plus, était donc bien utile !

21 heures : Orchestre de chambre Nouvelle-Aquitaine. Maurice Ravel, George Gerschwin.

C’est la liesse des fins de festival : Hervé Niquel se promène avec sa veste aux mille couleurs tandis que, plus sérieux avec un blazer impeccable et un pantalon coloré David Théodorides prend la parole pour exprimer sa satisfaction et sa reconnaissance envers les exécutants et le public

Toujours chaleureux, il annonce que la fête n’est pas tout à fait terminée et que tout le monde aura droit à une part du gâteau (en réalité un ou plusieurs choux de croquembouche) après le concert. Je n’aime pas beaucoup Ravel mais les œuvres comme ce concerto pour piano et orchestre ont été interprétées avec tant de force et de virtuosité que j’ai vraiment apprécié et découvert une autre facette de ce compositeur. Les applaudissements, les bravos ça n’en finissait pas. À la sortie, nous avons pu échanger quelques mots avec Hervé Niquet, on l’aurait embrassé pour le remercier si on avait osé !

Après, nous étions nombreux à nous retrouver sous la toile à savourer les petits choux. Nous nous sommes même payé une coupe de champagne avec Marie-France et j’ai parlé avec Isabelle altiste, Catherine et Tristan flûtistes dans l’orchestre de Nouvelle Aquitaine qui m’ont laissé leur signature et une adresse pour les contacter.

La fête est finie. Le lendemain, nous repartirons vers le Périgord, « la tête pleine de chansons et le cœur plein de souvenirs ».

 

Annie H