Voyage à travers l’Europe : la musique ancienne en Espagne

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« Es nuestro patrimonio cultural, es nuestra identidad, es nuestro pasado » (« C’est notre patrimoine culturel, c’est notre identité, c’est notre passé ») annonce Beatriz Traver, la représentante de Valencia Early Music sur le site du Festival de Saintes. Une rencontre, un peu « chaotique » menée dans sa langue maternelle.

Valencia Early Music est « une nouvelle marque qui réunit aujourd’hui toutes les activités de musique antique de Valence ». Elle travaille aussi dans  la gestion culturelle et la partie de l’insertion musicale dans la Fundación Cultural CdM (Capella de Ministrers), crée en 1987, qui oeuvre pour la mise en valeur de la musique ancienne, surtout dans l’implication du patrimoine musical espagnol. Elle est basée spécifiquement sur l’Espagne, l’Italie et dans la partie occitane française.

La fondation a pour ambition une implication et une interprétation à travers l’éducation, l’interprétation et la diffusion. C’est un concept intéressant pour le vaste patrimoine artistique et culturel espagnol. La volonté d’interprétation est stricte, mais ne consiste pas seulement à chercher des morceaux et à les interpréter, mais aussi à éduquer. « Nous devons intégrer tout ce passé culturel, spécifiquement musical parce qu’il influence encore aujourd’hui notre musique. La musique antique fait aussi partie de notre histoire sur 800 ans » dit-elle, un sourire scotché aux lèvres.

« Éduquer en premier lieu le public, il faut fidéliser le public pour le futur et le sensibiliser à ce type de musique puis interpréter en second lieu » m’explique Beatriz Traver. « L’interprétation est importante puisqu’il n’existe pas en Espagne dans les conservatoires, d’études de musique ancienne officielle ». « Cela manque, de nombreux Espagnols doivent quitter l’Espagne pour étudier cette musique » ajoute-t-elle. Elle décrit ensuite une académie de musique antique crée pour combler ce manque, cela existe depuis quelques années et s’est spécialisée dans la musique médiévale et la Renaissance, « El siglo oro » (le siècle d’or, XVI au XVII°siècle). « Dans les archives on avons beaucoup de groupes de référence très connues dans le monde qu’il faut exploiter », pour la fondation, il s’agit aussi de conserver l’héritage de 30 ans d’investigation « de musiques inédites qu’il faut transmettre et conserver pour les générations futures » déchiffre Beatriz Traver.

« C’est la volonté de la fondation que la musique ancienne soit accessible à tous » déclare la jeune femme. Selon elle, la musique antique n’est pas « un produit élitiste ». Elle doit être accessible à tous. « C’est notre patrimoine culturel, c’est notre identité, c’est notre passé. Nous voulons donc, nous les membres de la fondation, transmettre ». Elle justifie ensuite que toutes les tranches d’âges doivent être concernées puisque c’est la seule façon de transmettre dans le futur cet héritage. Il y a donc une nécessité de transmettre aux plus jeunes pour qu’ils puissent un jour transmettre à leur tour cette musique. « Le but étant de connaître mieux le passé, à tous les niveaux ».

La question principale reste la nature de la transmission. Selon Beatriz Traver la musique antique est actuellement plutôt reconnue en Espagne, grâce aux festivals et aux programmations de musique antique où elle est assez populaire. C’est, pour elle, la solution, faire des concerts et organiser des festivals. Elle pense aussi qu’il existe un public réduit qui connaît réellement ce type de musique et que la majeure partie du public qui arrive aux concerts découvre un univers musical qu’il n’aurait jamais imaginé.

Je demande alors qu’elles sont les différences entre les festivals français, comme celui de Saintes et les espagnols. Rapidement, elle répond que la tradition française de faire des festivals de musiques anciennes est très répandue alors qu’en Espagne, cela n’existe que depuis 5 ans environ. Il faut encore valoriser le patrimoine espagnol, les monuments historiques et la musique antique.

J’aborde ensuite des questions plus personnelles. Si elle devait choisir un seul compositeur espagnol, qui serait-il ? Après une courte réflexion, j’obtiens une réponse. Il s’agit de Luis de Milán (1500-1561 environ), un compositeur et vihueliste (instrument ancien proche du luth). Premier compositeur de l’histoire à publier de la musique pour la vihuela de mano, un instrument utilisé au XV et XVIe siècle, il a probablement passé toute sa vie à Valence. Enfin, elle choisit « la arpa de dos ordenes » quand je lui demande de choisir un instrument antique. Elle ajoute ensuite qu’il était un instrument très populaire dans le monde entier dont la tradition de réinterpréter ce type de musique a disparu. « Seuls 2 compositeurs espagnols utilisent encore cet instrument » détaille Beatriz Traver.

Enfin, je la questionne sur son site internet musicaantigua.com, dont le sous-titre « un espace culturel sur la musique composée avant 1750 » écrit en espagnol. Ce site est un « portail linguistique espagnol de la musique antique » détaille la jeune femme. Elle y publie les programmations, des cours, des projets de recherches… une communauté se forme alors et « la musique devient un langage universel » manifeste Beatriz Traver, articulant de sorte que je comprenne parfaitement ce qu’elle veut me dire. « Il ne faut pas oublier que la musique classique c’est 800 ans d’histoire » termine Beatriz Traver en me remerciant grandement en français, toujours un sourire radieux sur les lèvres.

Mathilde Scapin