29 juillet 2021 - écrit par Léa Parvéry-Bourasseau

Cinquantième Festival de Saintes : souvenirs d’un ancien bénévole

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« Originaire de Saintes, né en 1954, j’avais 18 ans quand le 1er Festival de Musique a été crée par Alain Pacquier, directeur artistique. J’avais l’envie de connaître un peu ce qui se passait dans ma ville, son passé, ses monuments, son activité. J’ai vu que dans la cour de l’hôtel de Bremond d’Ars (vieille famille saintongeaise), une activité fébrile préparait tréteaux, projecteurs …. Une affiche me parlait du 1er Festival de Saintes avec des nuages dessinés, et, je n’en ai pas tenu compte. L’heure n’était pas arrivée….En lisant toutefois Sud Ouest, le journal local, je me suis dit que je ne raterai pas le second rendez vous.

À 18 ans, on est à l’âge des découvertes, on vit des passions, on a des passions : les miennes sont la musique et l’histoire qui demeurent d’actualité. Ne baignant pas dans une culture musicale dès la naissance, j’étais toutefois intéressé par autre chose que ce que l’on entendait sur les radios et sur les ondes de la TV. Initié par les cours de musique au collège à cet autre univers, j’aimais entendre les œuvres de Beethoven, Rodrigo, Dvorak. Dans les années 60, on ne connaissait pas les œuvres de musique ancienne sauf pour les spécialistes. À Noël, mes parents m’ont offert un électrophone, je me suis précipité d’acheter des disques notamment la 3e de Beethoven par Karajan. Les voisins, intéressés par ma démarche m’ont offert l’occasion d’aller aux concerts à l’abbaye aux Dames, je leur en suis reconnaissant encore. En 1973, l’année du baccalauréat, reçu, mon cadeau a été une entrée illimitée pour les spectacles du festival. Saintes, était aussi à cette époque, une « ruche » où beaucoup de jeunes talents gravitaient, que cela soit en musique, en archéologie. N’oublions pas que Saintes est une ville romaine et romane, capitale de l’Aquitaine avec un amphithéâtre, un arc votif, des thermes, des villas. 1973, c’est aussi une exposition à l’hôtel de Bremond d’Ars où de belles sculptures, des entailles sont présentées. Au même endroit, j’ai entendu pour la première fois de la musique Blue Grass que j’ai aimée.

Les concerts, j’y étais tout ouïe et comme beaucoup de spectateurs saintais ou autres, on entrait dans un autre monde. Un répertoire riche, du XII au XVIIe s’ouvrait progressivement à nos oreilles. Ce parcours est la colonne vertébrale du festival. C’était une redécouverte, des pionniers comme Jean Claude Malgoire et la Grande Ecurie et la Chambre du Roy avec d’autres ensembles notamment anglais, belges, suisses, espagnols donnaient vie à tous ces manuscrits tombés dans l’oubli. Les musicologues avaient du pain sur la planche. À cette époque, un lieu de concert à noter est le château « de la Belle au bois dormant » : la Roche Courbon. Programmation le dimanche où dès le matin, les visiteurs pouvaient s’approprier le domaine, pique-niquer et écouter des œuvres musicales inconnues sur l’herbe, sur les terrasses. Des anecdotes vécues et inoubliables sont ancrées dans ma mémoire à jamais. Jean Louis Canihac, Jean Pierre Mathieu, Xavier Darras, les toulousains animaient leurs présentations et créaient autour d’eux une ambiance très sympathique. Il ne faut pas oublier la prestation magnifique un soir d’été du Wayong Wang de Bali, contacts avec une autre civilisation qui nous faisait partager son théâtre dansé, ses masques et ses mystères.

Les maîtres mots de ces périodes sont : la découverte, l’étonnement, l’eclectisme : théâtre, musique, cinéma, divertissements : théâtre de marionnettes de Sicile… et surtout ouverture vers un large public grâce à des tarifs abordables. Les locaux ne sont pas oubliés, ici, ce n’est pas un public parisien , on se détend, on écoute, on apprend. Illustration aussi par la musique en pays roman, où les agriculteurs qui travaillent tard vont au concert dans leur petite église romane illuminée pour la soirée. 1980, année du patrimoine, l’après midi avec les artistes du soir, nous partions vers la petite commune qui nous recevait.

Que de souvenirs partagés, en voici deux : une petite église romane allumée de cierges, seule lumière dans la campagne, un concert de guitare, une concentration de senteurs, de plaisirs auditifs le tout pour passer une bonne et belle soirée !!!!

Une sortie en Art Roman avec William Christie, encore étudiant depuis peu dans sa R 8 verte…

Les années se sont succédées avec la découverte de répertoires magnifiques, de voix sublimes, d’orchestres exceptionnels et de soirées merveilleuses comme les chœurs des moines la nuit à l’Abbaye aux Dames par exemple. Celle-ci parée de belles tapisseries de la Genèse de Jean François Favre. Découverte de la musique baroque, du théâtre baroque avec le théâtre du Nombre d’Or et le regretté Philippe Lenaël… Chaque année, un thème nouveau : l’Espagne, l’Angleterre, l’Italie.

En ce qui concerne l’Espagne, en 1978, je faisais mon service national à Provins, mais cette année là les journées étaient couvertes par France Musique que j’écoutais dès le matin 7 h après la Marseillaise… À ce moment là, Jacques Merlet, Philippe Hersant et Jean Michel Damian notamment officiaient et donnaient des prestations inoubliables. Ces moments de radio étaient délicieux et mon oreille se délectait de découvrir la musique ancienne accompagnée de traits d’humour dont ils avaient le secret. C’était de la Radio vivante.

Sur le plan de l’archéologie, le livre de Louis Maurin, Saintes 2000 ans d’histoire fait le point sur la cité antique, découverte d’une villa aux ateliers municipaux : on y trouve des tablettes d’écriture, des bijoux en or….

Merci encore une fois à Alain Pacquier sans qui je n’aurais pas découvert tant de choses, je n’oublie pas mes parents qui m’ont aidé à cette époque et accompagné, Marcelle Perney et Maurice Manesse qui ont partagé mes émotions à de beaux concerts, mon épouse qui plus tard m’accompagnera dans les découvertes baroques à Sarrebourg. J’ai partagé aussi des émotions avec des amis pour l’archéologie, Michel Rouvreau, Guy Vienne ENTRE AUTRES…..

Le Festival de Saintes a continué son aventure, en écrivant de belles pages musicales avec Philippe Herreweghe et de nombreux musiciens talentueux, l’Abbaye aux Dames a été placée au cœur du festival, éclipsant un peu le chœur roman de l’église Saint Eutrope trop petit pour recevoir un public nombreux. La cathédrale Saint Pierre n’a pas été oubliée, son orgue restauré a permis que de belles œuvres de Bach notamment soient jouées par de bons organistes. Quelques soirées au cloître dans le vieux Saintes ont enrichi la diversité des lieux.

Enfin, quand le soleil dore les toits de la cité antique et romane, que cette douce lumière de l’Atlantique vous envahit encore et que l’on attend sur le parvis de l’Abbaye que les portes s’ouvrent, c’est magique.

Que le Festival de Saintes perdure et qu’il continue à nous emmener vers des paradis musicaux connus ou inexplorés. »

Richard MARRAUD