Olivier Fortin, à Bach Les masques

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Le 14 juillet dernier, l’Ensemble Masques a enchanté les spectateurs du festival de l’Abbaye aux Dames par son expressivité et son énergie. Deux traits qui caractérisent également son fondateur, le claveciniste Olivier Fortin.

Entre la cheminée et la table basse, c’est dans le salon de ses parents qu’Olivier Fortin découvre le clavecin, alors qu’il n’a que huit ans. Il se prend de passion pour l’instrument, dont les notes virevoltantes ne cesseront plus jamais de raisonner dans sa vie. Né au Québec, il effectue une partie de ses études au Canada auprès d’André Laberge, puis rejoint Bob Van Asperen et Pierre Hentaï entre Amsterdam et Paris pour se perfectionner.

De retour au Canada, il forme l’Ensemble Masques alors qu’il n’a que 25 ans, en 1998. En parallèle, le jeune interprète joue régulièrement pour l’orchestre canadien Tafelmusik, également spécialisé dans la musique baroque, et enseigne au conservatoire de musique de chambre et de clavecin de Québec. En 2009, il abandonne tout, et quitte son Canada natal pour la France, plus riche en perspectives professionnelles : « c’était une décision raisonnée, mes parents sont contents de voir que je suis heureux. Mes amis me manquent, mais, en même temps, l’Amérique du Nord ne manque pas. Aucun regret, je suis chez moi ici », explique ce parisien d’adoption, qui continue de parcourir le monde pour donner des représentations, notamment avec Masques qu’il a crée plus de vingt ans auparavant.

C’est avec ce même ensemble d’instrumentistes que le claveciniste s’est produit sur la scène de l’Abbaye aux Dames, le 14 juillet dernier, pour offrir aux spectateurs une interprétation de Bach. Comme son fondateur, Masques est expressif et ouvert sur le monde. Il est même issu d’un véritable melting pot: ses musiciens viennent de France, d’Australie, du Canada, de Belgique et de Finlande. Leur point commun est leur passion pour la musique de chambre. Des origines et inspirations diverses qui sont de véritables richesses, estime Olivier Fortin, qui est aussi son directeur. « Parfois, on n’a pas la même vision musicale, mais ça permet d’aller plus loin. Si nous venions tous de la même école, ça serait beaucoup trop lisse. On se rejoint ailleurs. Ça fait un beau mélange », se réjouit-il.

Un beau mélange qui entend incarner la multiplicité du baroque. Peu importe la date de création de la partition, Olivier Fortin estime qu’une musique n’est jamais vieille tant qu’elle est jouée. « C’est pour moi très actuel, je n’essaie pas de me remettre dans une ambiance. Bien sûr, il y a des codes inhérents à cette époque. Mais on joue avant tout pour donner au public notre sensibilité d’aujourd’hui », détaille-t-il avec l’enthousiasme qui le caractérise.

Interprètes en plus d’être musiciens, Olivier Fortin et les instrumentistes qui l’entourent aiment donner à la partition une grande expressivité, tout en respectant les intentions du compositeur. « On n’est pas des interprètes au sens clinique. On ne peut que s’approprier une œuvre. Cette musique baroque était faite pour les affects, on doit parler avec nos émotions, celles qui lient les gens », souligne-t-il.

Plus qu’un métier, le claveciniste aujourd’hui âgé de 46 ans s’avoue faible face à sa passion musicale, qui occupe une large place dans sa vie depuis son enfance. « On ne fait ça ni pour l’argent ni pour le job, on fait ça parce ce qu’on n’a pas le choix », dit-il en souriant.

Son ensemble, toujours prêt à élargir les frontières du baroque, sortira un disque en septembre prochain sur le thème du café. La cantate du café de Bernier, et forcément, comme Bach n’est jamais loin, les cantates du café de Bach. Mais aussi de la musique arabisante, turque, qui vient faire le lien autour de la question que pose le projet : « comment le café – boisson et lieu de musique – s’est-il répandu ? » D’un disque sur le café à une bonne bière à l’ombre de la voile de l’Abbaye aux Dames de Saintes, Olivier Fortin est au festival comme dans son salon.

Inès T