Ophélie Gaillard, « au service de la partition et donc du compositeur »

Partager :

Violoncelliste prodige, Ophélie Gaillard remporte à 24 ans, le troisième prix du Concours international de violoncelle de Leipzig. Elle enchaîne ensuite une carrière internationale en tant que soliste et violoncelliste de musique ancienne avec son ensemble Pulcinella.

Issue d’une famille de mélomanes, Ophélie Gaillard découvre à 4 ans le violoncelle lors d’un concert « j’ai flashé sur lui ». Très vite, elle se passionne pour cet instrument et se perfectionne ensuite auprès de Philippe Muller au CNSMD [conservatoire national supérieur de musique et de danse] de Paris.

Son violoncelle, pas n’importe lequel, porte la signature du célèbre luthier italien Francesco Goffriller, réalisé en 1737 à Udine. L’instrument lui est d’ailleurs prêté. En 2018, la presse avait relayé l’agression de la soliste suivi du vol de l’instrument, deux jours plus tard il sera retrouvé. L’épisode reste traumatisant, mais la relation avec l’instrument est intacte. « C’est plus qu’un bout de bois, il y a une relation particulière qui se noue. C’est un vrai partenaire de scène. »

Elle s’installe avec sa famille à Genève, où elle enseigne depuis 2014 à la Haute Ecole de musique classique. L’enseignement est le socle de sa vie de musicienne : « je suis passionnée par l’enseignement, cela structure, c’est équilibrant. C’est aussi mon centre de gravité par rapport à la famille ». A l’image de son violoncelle romantique et baroque, elle joue sur plusieurs tableaux. Spécialisée dans la musique ancienne avec son ensemble Pulcinella, dans son répertoire de soliste, elle explore de nouveaux genres plus contemporains, « j’ai vraiment envie d’embrasser tout ce répertoire avec la musique de chambre et du solo ». Mais aussi éloignés de la musique classique : « je peux jouer à la fois Dutilleux, comme Brahms ou Bach. Je m’intéresse aussi aux autres disciplines artistiques comme la danse ou le théâtre. J’adore défricher de nouveaux répertoires ; aussi bien le tango que la bossanova, les musiques latinoaméricaines. C’est pour ça que je pioche dans des traditions populaires d’autres pays ».

A la manière de Britten pour Rostropovitch, Ophélie Gaillard commande régulièrement des œuvres à des compositeurs, notamment Philippe Hersant avec l’ensemble Pulcinella. Elle passera d’ailleurs une commande en janvier 2020 au compositeur franco-grec Alexandros Markeas. Véritable chercheuse d’or en quête de l’interprétation parfaite, la violoncelliste peut passer des heures sur un manuscrit de Bach ou Britten. « Aujourd’hui, quand on peut le faire avec un compositeur bien vivant et lui poser toutes les questions, c’est fantastique ».

Davantage interprète que réinterprète, Ophélie Gaillard laisse parler les notes plutôt que son talent. « Le rôle d’un interprète est de porter le texte musical sans avoir de jugement de valeur. On est vraiment là pour transmettre une œuvre ». L’interprète n’est pas la star du concert, c’est la partition qui est sur le devant de la scène : « je me mets au service de la partition et donc du compositeur ».

Sa fibre enseignante ne se départit jamais d’elle, même dans le cadre d’un festival avec son violoncelle. Lors de sa répétition, elle a en effet proposé aux spectateurs une séance de yoga : « ils sont là pour voir une répétition, pas un concert. Je vais leur donner des clés écoute, les faire rentrer dans la partition en tant qu’interprète, par le son, la présence. Les répétitions, ce n’est pas juste se chauffer. Pour un récital, c’est une préparation de sportif, une hygiène de vie mentale. « Nous sommes des sportifs de haut niveau qui sollicitons les mêmes muscles du corps. » 

Rostropovitch, le plus célèbre violoncelliste du XX° siècle, reste sa rencontre la plus marquante. Elle se souvient de ce moment, alors qu’il était chef d’orchestre à l’orchestre des jeunes de l’Union européenne. « C’est un artiste qui m’impressionne par sa présence, le son qu’il a quand il prend le violoncelle sur 3 notes, son charisme, sa générosité, son énergie ». Ophélie Gaillard reconnaît s’éloigner de l’adaptation romantique des Suites de Bach de Rostropovitch.« Il en reste qu’il est l’interprète du XXe siècle ayant passé le plus de commandes à des compositeurs vivants ; presque un quart des compositions ! ». Du classique au contemporain, de Bach à Bartholomée en passant par la danse et le théâtre, Ophélie Gaillard aime cultiver son jardin… à l’anglaise.

Inès T.